Récit du voyage en Zambie :

éclipse totale de Soleil du 21 juin 2001

(Cliquez sur les liens pour voir les photos)

Le voyage "express" de 3 jours a représenté un parcours total de plus de 15000 km, 18 heures d'avion et près de 3 heures de route zambienne à folle allure !

Jour 1 : départ d'Orly Ouest le mardi 19 juin

Arrivée à Orly vers 19h30. Il y a beaucoup de monde. -Tiens ! Bonjour Jacques ! Salut Nicolas ! Vous allez bien ?
C'est l'occasion de retrouver des visages connus et de faire connaissance. Le groupe est au complet : 350 personnes en train d'enregistrer leurs bagages, pleins à craquer d'appareils photos et de matériel d'astronomie.
20h30 : passage en salle d'attente. Notre avion, un Airbus A330, attend sur la piste, derrière les larges vitres de la salle d'embarquement.
21h15 : embarquement. On est assez serrés dans cet avion. Et dire qu'il va falloir rester assis pendant 9 heures ! La climatisation, un peu fraîche, sera à l'origine de pas mal de rhûmes.
21h30 : décollage. Un petit coup d'oeil sur Paris par le hublot gauche. Le temps pour l'avion de traverser la France et nous assistons à un magnifique coucher de Soleil sur les Alpes.

Jour 2 : arrivée à Lusaka le mercredi 20 juin

Le voyage s'écoule lentement. Après 3 ou 4 heures de sommeil, un repas et un petit déjeuner, nous passons une première fois l'équateur au-dessus de la République du Congo. Certains n'ont pas dormi de la nuit. Vers 4 h du matin, Nicolas Biver a observé la comète Linéar par le hublot gauche de l'appareil. A 5 heures, un mince croissant de Lune de 35h est visible vers l'Est. Cette vision est fantastique : le croissant est très brillant, très blanc. La lumière cendrée est parfaitement visible, de couleur grise. Les couleurs de l'aube apparaissent, il va bientôt faire jour.

L'avion se pose à Lusaka au lever du soleil. Nous débarquons sur le sol de l'Afrique australe, à même la piste de l'aéroport.
Des cars nous attendent pour joindre le camp d'observation, à Chisamba, 100 km au nord de Lusaka. L'avion restera à Lusaka pendant deux jours et l'équipage nous accompagnera pour observer l'éclipse.

Il y a cinq autocars pour transporter tout le groupe (350 personnes) vers Chisamba. Assez anciens, ces véhicules tournent au "heavy fuel", un diesel huileux crachant des nuages de fumée noire défiant l'imagination. Le pare brise du car est fendu sur toute sa longueur, c'est impressionnant ! Notre chauffeur, Zambien, nous conduit à travers la capitale, Lusaka. A première vue, ce n'est pas une très belle ville, en tout cas pas du tout touristique. Les maisons sont basses, tout juste y-a-t'il quelques immeubles dans le centre ville. Nous quittons rapidement la ville pour traverser la campagne zambienne. Des arbres inconnus arborent de magnifiques fleurs rouges. Dommage qu'on ne puisse pas s'arrêter.

La route est tranquille, quelques crevasses jonchent parfois la chaussée, obligeant le chauffeur à faire des écarts de 3 à 4 mètres ! Des panneaux d'affichage bordent le chemin. On y trouve notamment des annonces officielles de l'éclipse et des pubs pour Coca Cola !

En Zambie, la population parle l'anglais couramment. C'est donc assez facile de communiquer.

Arrivé à Chisamba, le chauffeur doit maintenant trouver la ferme de Balla-Balla. En chemin, nous croisons un autre camp d'observation, "Solipse". Il y a du monde dans la région en ce moment.

Arrivés à Balla-Balla, chacun installe sa tente. Des canadiennes prévues pour 2 personnes. Le terrain a été préparé longtemps avant l'arrivée du groupe. Les tentes sont montées sur un sol défriché et aplani.

Le camp est divisé en trois parties. Long et large de 3 à 400 mètres environ, la partie boréale est occupée par le groupe de l'observatoire de Paris. Au centre, ce sont les individuels Nouvelles-Frontières. Enfin, au Sud, le groupe Burillier (librairie Uranie) dont je fais partie. A midi, un repas est servi : taboulé et corned beef... (importés de France)
L'après-midi passe vite. Chacun vérifie son matériel, consulte sa carte du ciel. Nous allons passer une nuit sous les étoiles de l'hémisphère Sud. Après un beau coucher de Soleil sur la savane africaine, la nuit tombe à toute allure. Une légère brume se lève, tandis que les premiers astres apparaissent dans le ciel.
Des feux de bois sont allumés à plusieurs endroits du camp, pour le diner (dont je vais me passer car la découverte du ciel austral est bien plus prioritaire ce soir !). Un léger vent souffle du sud-est et emporte les fumées vers les instruments ! Il va falloir déplacer certains télescopes.

A l'ouest, nous guettons Sirius, puis Canopus, plus au Sud. Les jumelles 14x100 montrent même le grand nuage de Magellan, à quelques degrés de l'horizon Sud-ouest. Nous le retrouverons demain matin vers le sud-est.
A l'Est, la planète Mars se lève, à la verticale d'Antarès, étoile principale du Scorpion.
Soudain, au zénith, quelle surprise en levant la tête : le Centaure et la Croix du Sud. Ces constellations, constituées d'étoiles brillantes, sont aisées à reconnaître. La nuit tombe en moins d'une heure. Il est 18h30 et il fait nuit noire !! En France, le Soleil ne sera pas couché avant 21h50 !

La nuit est prolifique : c'est la découverte pour tout le monde des merveilles du ciel austral : Oméga du Centaure, l'amas globulaire le plus gigantesque du firmament ; Eta de la Carène ; le Sac à Charbon... et la voie lactée, extraordinaire !
En soirée, le Sagittaire se lève et monte à la verticale par rapport à l'horizon. Aux jumelles comme au télescope, la vision est passionnante. Les objets du ciel austral sont immenses et très lumineux. Beaucoup sont visibles à l'oeil nu.

Déjà les premiers observateurs tombent de fatigue. Habitués aux nuits d'été de France, nous avons l'impression qu'il est 1 heure du matin alors qu'il est 21 heures ! La nuit est fraîche, le camp se vide petit à petit.
23 heures : quelques inconditionnels et fous furieux de l'astronomie restent dehors à scruter sans relache le ciel austral.
C'est l'occasion d'admirer Mars au télescope, la voie lactée dans le Sagittaire-Scorpion au ZENITH !!! C'est beau. Les jumelles 14x100 montrent une multitude d'étoiles dans la queue du Scorpion, des nuages obscurs, partout ! Je réalise quelques filés d'étoiles tout au long de la nuit et installant mon appareil photo à divers endroits du camp.
En milieu de nuit, le petit nuage de Magellan apparaît au sud-sud-est. Diffus, comme un petit nuage (justement), sa forme se précise au fur et à mesure de son ascension dans le ciel. Plein sud, nous découvrons des constellations inconnus à nos yeux : le Paon, l'Indien, la Règle, le Télescope, le Toucan, la Dorade... Fomalhaut, étoile principale du Poisson Austral, si basse en France, culmine à 80° de hauteur. Pas évident à reconnaître au premier coup d'oeil.
Aux jumelles, la nébuleuse planétaire Helix est parfaitement visible. La comète Linéar aussi, plus basse mais très au Sud ; elle exhibe fièrement une chevelure et une queue de 4 degrés.
Vers 5 heures du matin, quelques observateurs se réveillent, histoire de voir le grand nuage de Magellan. Il restera bas sur l'horizon, mais tout de même bien observable aux jumelles. La nébuleuse de la Tarentule semble énorme...
Vénus se lève à l'Est, tel un joyau. Elle monte rapidement dans le ciel. Les Pléiades sont visibles, à l'envers, puis Saturne à l'horizon.

Le jour se lève enfin avec une rapidité déconcertante. Au lit ! Il y a du givre sur les tentes et la rentrée dans le sac de couchage est glaciale !

Jour 3 : jeudi 21 juin, l'éclipse

11 heures 15. J'etouffe dans ma tente où la température s'élève à 40°C. C'est bientôt l'heure du repas. Le groupe plie déjà les tentes car le départ du camp se fera immédiatement après la fin de l'éclipse, vers 17 heures.

13 heures et des poussières : la tension monte, l'éclipse est sur le point de commancer. Tous les instruments sont sortis et les observateurs s'affairent autour de leur matériel. Soudain, la Lune mord le bord du Soleil. A l'oeil nu, c'est le bord gauche inférieur qui disparaît en premier (c'est inversé par rapport à l'hémisphère Nord). Mon pouls est de 90 au repos. Tout va bien. Des journalistes de Ciel et Espace et de la Chaîne Météo parcourent le camp pour filmer et photographier les amateurs à la tâche. Des zambiens animent l'atmosphère avec chants et tam-tam ; ça fait un effet !
La température descend doucement. La luminosité aussi. A mi-éclipse, le sol prend une teinte jaunâtre et les ombres deviennent plus nettes, progressivement...
Un peu avant 15 heures, le Soleil est recouvert à 80% par le disque lunaire. Il fait frais et de plus en plus sombre. Mon pouls est monté à 115. Des sténopés de croissants de Soleil se projettent sur les tentes et au sol.
Quelques minutes avant l'éclipse, c'est fantastique de voir à quelle vitesse tout change autour de nous.
Mon pouls est passé à 135 au repos : vite une chaise pour m'assoir ! Il n'y a aucun nuage dans le ciel : l'éclipse arrive.
Les derniers instants sont cruciaux. La lumière baisse d'un seul coup. Le ciel devient bleu noir, l'horizon rougit. Les chanteurs s'arrêtent. Tout le camp de vient silencieux l'espace de quelques instants. Des ombres volantes sont visibles sur le sol, phénomène éphémère et rapide. On dirait des ombres au fond d'une piscine.
Soudain, des cris, des applaudissements, le ciel vire au bleu nuit, Jupiter apparaît en bas du Soleil. Tout se stabilise et le dernier rayon de Soleil disparaît derrière le disque lunaire. A ce moment là, c'est la grande révélation. La couronne solaire resplendit tout autour du disque noir éclipsé. A l'oeil nu, le spectacle est fort, saisissant, émouvant. Autour de nous, j'entends des "Oh ! C'est beauuuuuu ! Whahh !"      :-)
La couronne est visible de tous les côtés du Soleil, telle les pétales d'une immense fleur. Elle est blanche sur fond bleu nuit.
3 minutes et 30 secondes de totalité. Aux jumelles 14x100, c'est fantastique. Les détails apparaissent dans la couronne ! Les protubérances sont trop lumineuses pour être discernées avec cet instrument. Tout près du bord solaire, dans les flammes argentées de la couronne, une étoile scintille ! C'est sans doute la planète Mercure. Elle sera difficile à faire ressortir en photographie.
Aux jumelles, la chromosphère fait sont apparition, rose, puis blanche... Le bord du Soleil s'éclaircit très rapidement, vite ! On ne regarde plus aux jumelles sans protection.
A l'oeil nu, le diamant apparaît, premier rayon de lumière, fantastiquement beau. Iréél ! La couronne est encore visible et restera perceptible à l'oeil nu pendant une bonne minute après la totalité, en masquant la partie brillante du Soleil avec le doigt.
Ca y est ! C'est terminé. Le stress retombe. Peu d'observateurs s'intéresseront à la fin de la phase partielle...
Mais quel spectacle !

Nous rentrons à Lusaka en autocar, au coucher du Soleil. La conduite de nuit sur les 100 km de route zambienne nous maintient en éveil. Lancé à pleine vitesse le conducteur évite les passants, les enfants et les animaux qui se promènent sur la route... Et aussi les véhicules sans lumière et les camions dans le fossé !
 

        Le "diamant" de lumière, quelques instants avant le début de la totalité...

Photos : (C) Jean-Marc Lecleire, 2001. Reproduction interdite sans autorisation
Pour me contacter : kar.jm.lecleire@libertysurf.fr
 

Retour à la page d'accueil du site

Publications des éditions Lecleire